Les couleurs invisibles par Jean-Gabriel Causse (review)

Date
2023-03
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French
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Johns Hopkins University Press
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La synesthésie, vous connaissez? On la pratique en poésie lorsqu'on fait appel, pour définir une perception, à un terme normalement réservé à des sensations d'un registre différent: "Les couleurs, les parfums, et les sons se répondent" disait Baudelaire qui, avec Rimbaud en particulier, est connu pour son utilisation de tels procédés. Vous ne savez peut-être pas qu'il s'agit aussi d'un phénomène neurologique rare qui permet à ceux ou celles qui en sont dotés (2% de la population) de percevoir un sens à travers un autre. Baudelaire, encore, mais aussi Kandinsky, Petrucciani, et Van Halen partagent cette disposition. Antoine Cluzel, le protagoniste des Couleurs invisibles, de même: "Certains voient les chiffres ou les jours de la semaine en couleurs. Moi ce sont les sons" (25–26). Ainsi, la voix de son épouse Alice lui apparaît de couleur abricot. Malgré tout, cette vie haute en couleur semble bien terne à Antoine: il n'est pas sûr d'aimer sa femme, avec qui il essaie en vain de procréer; sa carrière tire sur la grisaille; et son rêve de longue date de faire le tour du monde à la voile promet de demeurer en cale sèche. Mais voici qu'on lui découvre un cancer des poumons en phase terminale. Sur un coup de tête, il prend la mer avec son petit voilier, le 3=1, dans l'espoir de se rendre à Bora-Bora, sinon d'en revenir vivant. Or, Antoine se cogne contre la mâture et se retrouve dans son bateau, quelques heures plus tard, la tête passablement endolorie. Que s'est-il passé? Un traumatisme crânien a-t-il provoqué en lui un délire schizophrénique? Est-il déjà mort? Il n'en sait rien jusqu'à la fin de ce remarquable roman où se rencontrent une sirène (Demi-Alice), ou encore Alice maintenant âgée (Alice Senior). Antoine redécouvre son amour pour son épouse sur un îlot impossible pendant un temps qui semble toucher à l'infini. Ensuite, Antoine se voit mourir et attendre une renaissance peu après laquelle il oublie progressivement sa vie passée. Au cours de cette errance à travers la condition humaine, s'invitent aussi Platon et le mythe de la caverne, Sigmund Freud et ses trois blessures narcissiques, Max Planck et sa mécanique quantique, Schrödinger et son chat, Albert Einstein et sa célèbre formule e=mc2, et finalement… Dieu (le Père, le fils et le Saint-Esprit; 3=1). Si tout cela peut sembler bien sec et académique, ce serait une erreur de fermer le roman trop vite sans en mentionner les dimensions poétique, humoristique et initiatique. L'amour qu'Antoine redécouvre pour Alice, l'éloignement renforçant l'affection, vaut bien aussi qu'on s'y attarde. Dans ce roman inattendu et surprenant s'opère plus qu'une synesthésie des sons et des couleurs. On y trouve aussi un mariage hallucinant de la physique quantique, de la philosophie classique, et de l'humanisme le plus profond, le tout enrobé de sel marin et du vocabulaire technique de la navigation à la voile.

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Bertrand, D. (2023). Les couleurs invisibles par Jean-Gabriel Causse (review). The French Review, 96(3), 223–223. https://doi.org/10.1353/tfr.2023.0033
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